Pourquoi Hassan Chahdi ne courra pas aux Jeux Olympiques de Paris : analyse approfondie d'une controverse

Note de la rédaction :

Nous tenons à préciser que cet article a été écrit quelques jours avant les récentes annonces concernant le retard de l'annonce de la sélection définitive des athlètes de l'équipe de France sur marathon, dû à la clarification attendue de la situation de Mehdi Frère.

A l’approche des Jeux Olympiques de Paris, la sélection masculine sur marathon est au centre de l’attention. Si vous suivez l’actualité sportive, vous n’avez pas pu passer à côté de la vague de soutien de nombreux fans envers Hassan Chahdi, destiné à porter le maillot français à Paris cet été mais qui n’aura finalement pas été sélectionné.

Ce sujet est épineux, et aujourd’hui sur On Your Marks, nous tentons de faire le point sur la situation et d’expliquer pourquoi Hassan Chahdi n’a pas été sélectionné.

Un peu de contexte

Hassan Chahdi, 35 ans le 7 mai prochain, a terminé le marathon de Londres le 21 avril 2024 en établissant un nouveau record personnel en 2h07’30. Outre cette performance remarquable, qui est le 7e temps le plus rapide de l’histoire d’un Français et qui lui permet d’établir les minima requis pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, la déception et la frustration étaient probablement les sentiments qui prédominaient dans son esprit et dans celui de bon nombre de ses fans à son arrivée. Ce chrono, bien que stratosphérique, ne lui permettra pas d’être sélectionné pour les JO à Paris.

Petit retour en arrière : le 20 décembre 2022, World Athletics et la Fédération Française d’Athlétisme publient les critères de sélection pour l’épreuve du marathon des JO :

Un athlète sera prioritaire (par ordre de priorité et maximum 2 par sexe) si :

• Il est le premier athlète français figurant dans les 8 premiers des championnats du monde de Budapest 2023 et ayant réalisé les minima (2h08min10 pour les hommes / 2h26min50 pour les femmes) entre le 1er novembre 2022 et le 30 janvier 2024.

• L’athlète a réalisé les minima ou est présent dans le top 24 au ranking mondial à la date du 30 janvier et figure sur la liste des 64 athlètes arrêtée par World Athletics au 30 janvier 2024.

Un athlète sera sélectionnable (par ordre de priorité) si :

• Il a réalisé les minima au 30 avril 2024

• Il est éligible selon les règles de qualification fixées par WA et figure dans le top 24 au Ranking mondial à la date du 5 mai 2024.

Au-delà des athlètes prioritaires et dans le cas où plus de 3 athlètes seraient sélectionnables, il est précisé que le Comité de sélection sélectionnera 3 athlètes max par sexe en s’appuyant sur le bilan mondial entre le 1er novembre 2022 et le 30 avril 2024.

Fin 2022, seul Nicolas Navarro s’est affranchi des minima mais est encore bien loin de s’assurer une des places prioritaires car bon nombre de marathons doivent encore être courus par les athlètes français d’ici le 30 janvier 2024.

Un été 2023 solide et qui ouvre la porte à une sélection pour les JO

Été 2023, une solide sélection française est envoyée aux Mondiaux de Budapest : Mehdi Frère (qui remplace en dernière minute un Nicolas Navarro blessé), Morhad Amdouni et Hassan Chahdi. Hassan fait preuve d’une gestion de course parfaite sur cette épreuve de type championnat, où les tactiques diffèrent des courses axées sur le chrono. Parti de la 71e place au 5 km, 53e au 15e km et 42e au semi, Hassan effectue une remontée fulgurante pour décrocher une 7e place historique pour la France sur cette épreuve du marathon aux Mondiaux. Il termine la course en 2h08min53. Dans la même course, Mehdi Frère finit 18e et Amdouni ne termine pas la course. Cette 7e place d’Hassan (après sa superbe 8e place sur le marathon de Boston et son parcours au profil compliqué) renforce sa candidature pour les JO avec une gestion de course impeccable. En plus, cette place de « finaliste » (être parmi les 8 premiers de la course) lui assure un statut prioritaire jusqu’au 30 janvier 2024 : s’il atteint les minima olympiques (2h08’10, soit 1 petite seconde de mieux que son record personnel établi à Séville début 2022) d'ici cette date, il sera automatiquement prioritaire selon les critères cités plus haut.

Une fin d’année 2023 qui met en péril son schéma de qualification

Comme beaucoup d’athlètes, Hassan Chahdi mise sur le marathon de Valence début décembre pour tenter les minima olympiques et décrocher l'une des 3 places pour les JO d'août 2024. Malheureusement, il se blesse pendant sa préparation et ne peut pas participer à ce marathon. Pendant ce temps, les performances françaises sont tout simplement historiques : 2 hommes sous les 2h06, 5 hommes sous les 2h08 : c’est le premier moment de bascule de cette course à la qualification olympique. Il reste alors plus que 2 mois à Hassan pour réaliser les minima et profiter de son statut protégé de finaliste des mondiaux.

Finalement, Hassan ne parvient pas à se rétablir à temps pour le marathon de Dubaï (son plan de secours prévu au début janvier) et ne court pas de marathon avant le 30 janvier : c’est donc le deuxième tournant de cette qualification, avec Hassan Chahdi qui perd son statut de protégé. Au 1er février, la situation est la suivante : Mehdi Frère (2h05’41) et Nicolas Navarro (2h05’52) sont les 2 athlètes faisant partie de la liste des prioritaires pour la sélection aux JO de Paris. Le 3e ticket sera donné au meilleur chrono établi d’ici au 30 avril et c’est à ce moment Félix Bour qui le possède virtuellement en 2h06’45 à Valence.

Le coup de massue et la fin probable de tout suspense arrivent le 18 février au marathon de Séville avec l’explosion du record de France par Amdouni en 2h03’47. Ce dernier, en s'octroyant le record de France, vient logiquement de gagner sa place dans la sélection.

Désormais, n’ayant plus de statut de prioritaire, Hassan Chahdi est soumis à une logique très simple : pour espérer décrocher sa sélection pour les JO, il lui faudra battre ce nouveau record de France d’ici le 30 avril, date butoir pour la période de sélection.

Nous revoici donc le 21 avril au départ du marathon de Londres auquel participe Hassan Chahdi : ayant très bien connaissance des critères, celui-ci part sur des bases extrêmement élevées en prenant tous les risques (1h01’30 au semi soit une projection à 2h03’00) mais doit lâcher le groupe de tête à partir du 25e kilomètre pour réussir à finir son marathon avec un deuxième semi en 1h06’00. Hassan termine le marathon de Londres en 2h07min30, loin du record de France qui lui aurait permis de faire partie de la sélection finale.

Et vous, quel est votre avis sur la non sélection d'Hassan Chadhi ?

Pourquoi Hassan et ses fans plaident pour obtenir malgré tout sa sélection ?

La candidature d’Hassan a de solides arguments avec des performances remarquables sur les deux Majors auxquels il a participé (Boston, Londres) et sa place de finaliste aux derniers championnats du monde de Budapest. Son classement mondial, à la 49e place et meilleur français, parle également pour lui. Hassan bénéficie du renouveau du marathon français, avec une densité impressionnante sur la distance (5 athlètes sous les 2h07’30, soit le 2e meilleur total derrière le Japon).

Son profil aurait pu se démarquer lors d'une course comme celle des JO, sur un parcours atypique du 10 août 2024 : il possède l'expérience des grands championnats et les qualités pour aborder le dénivelé, comme en témoigne sa victoire sur Marseille-Cassis en 2022 (1h00’43’’, 330m de D+) et sa 8e place en 2h09’46 au marathon de Boston (142m de D+). De plus, il maîtrise à la perfection sa gestion de course.

Les règles sont les règles

Jamais une sélection n’a autant fait débat, et cela se comprend aisément : Hassan est un coureur avec une solide expérience, une intelligence tactique qui a fait ses preuves en championnats, et il tient une place particulière dans le cœur de tous les Français. Enfant de l’athlétisme français, nombreux sont ceux qui rêvaient de le voir courir à Paris cet été.

Cependant, Hassan connaissait les règles de cette sélection. Ces règles, définies bien en amont, ont pour but d’assurer une équité envers tous les sportifs. La stratégie fait également partie du sport : choisir la bonne course, être en forme au bon moment, prévoir un plan de secours… En connaissant ces règles, c’est à l’athlète et à son équipe de définir la stratégie optimale pour atteindre son objectif.

Même s’il peut sembler évident pour certains qu’Hassan devrait faire partie de la sélection, nous pourrions dire la même chose de Félix Bour, qui, rappelons-le, possède toujours à ce jour un meilleur record sur marathon qu’Hassan et serait donc tout aussi légitime à revendiquer sa place.

Les athlètes consacrent leur vie pour atteindre leurs objectifs, ces règles ne sont pas établies pour leur nuire mais bien pour protéger leurs efforts, leurs sacrifices et leurs performances pour ce qu’elles sont, indépendamment de la popularité ou de l’opinion publique.

Une sélection prometteuse

Quoi qu’il en soit, la sélection masculine qui représentera la France à domicile en août sera magnifique. Que ce soit avec Mehdi Frère, qui courait après cette performance majuscule depuis quelques années déjà, 18e aux mondiaux de marathon et 24e aux mondiaux de semi 33 jours après, Nicolas Navarro, qui a réalisé 3 fois les minima sur la période de sélection en améliorant à chaque tentative son chrono, ou bien Morhad Amdouni, qui a réalisé la 2e meilleure performance européenne de tous les temps en finissant 2e du marathon de Séville ; cette sélection aura fière allure et portera haut les couleurs du maillot de l'Équipe de France.

Article écrit par Mallaury Vigier

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