Running : Est-ce une mode éphémère ?

Le running est partout : réseaux sociaux, fashion week, records d'affluence sur les courses... Mais est-ce une hype passagère ou une vraie révolution durable ? Décryptage du phénomène et de son avenir dans cet article.

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On Your Marks

3/7/202514 min read

Running : simple effet de mode ou tendance de fond ?

Il y a encore quelques décennies, la course à pied était un sport de niche, réservé à une poignée de gens un peu farfelus. Longtemps perçu comme une pratique marginale, le running a mis du temps à s’imposer dans le paysage sportif. À ses débuts, il n’existait ni club structuré ni véritable fédération dédiée, et l’idée même de courir pour le plaisir semblait étrange aux yeux du grand public. Pendant longtemps, le marathon était un territoire exclusivement masculin, interdit aux femmes sous prétexte qu’il était trop éprouvant pour leur organisme (bonjour l’époque). Ce n’est qu’en 1967 que Kathrine Switzer brisa ce tabou en courant le marathon de Boston, marquant un tournant dans l’histoire de la discipline.

1967 - Marathon de Boston : Kathrine Switzer est la première femme à courir le marathon de Boston.

En 2025, le running est partout. Il s’est imposé comme le sport populaire par excellence. Le nombre de pratiquants explose (En France : 12,4 millions en 2024 contre 6 millions en 2020), les courses affichent complet des mois à l’avance et les records d’affluence se multiplient. Se préparer pour un marathon est devenu une expérience presque obligatoire, relayée massivement sur les réseaux sociaux.

En 2024, Instagram et Strava sont devenus des incontournables de ce sport et regorgent de chronos partagés et de selfies post-course, transformant une pratique individuelle en un phénomène collectif.

Mais le running ne se limite plus au sport : il est devenu un marqueur culturel, un symbole de mode et de style de vie. Sur les podiums de la Fashion Week, les sneakers de running ont détrôné les souliers classiques. Hoka, Salomon et Nike envahissent les rues et les garde-robes, associant performance et esthétique. Des collaborations entre équipementiers et maisons de haute couture brouillent encore plus la frontière entre sport et lifestyle. Aujourd’hui, courir ne se résume plus à l’effort physique : c’est une manière d’afficher une certaine vision du bien-être, du dépassement de soi et même d’appartenir à une communauté. Bref, c’est tendance.

Face à cet emballement généralisé, une question se pose : le running est-il une révolution durable ou simplement une tendance passagère ? Pourquoi un tel engouement soudain pour un sport pourtant vieux comme le monde ? Assiste-t-on à un changement profond et durable ou à un phénomène éphémère porté par les codes de l’époque ?

Aujourd’hui, On Your Marks se remue les méninges et tente de décrypter les raisons de cette explosion du running et d’envisager son avenir : simple hype ou véritable tendance de fond ?

Histoire d’une pratique à l’origine marginale

Avant de devenir le sport grand public que l’on connaît aujourd’hui, la course à pied était une pratique confidentielle, voire marginale. Si l’homme court depuis la nuit des temps – que ce soit pour chasser, fuir un danger ou transmettre un message –, le running en tant qu’activité volontaire et organisée est une invention relativement récente. Il faut être un peu dingo pour se mettre à courir pour autre chose que sa survie, on vous le concède.

Des origines antiques aux premières courses modernes

Pour ne pas dire trop de conneries, on a regardé sur Wikipédia et on a demandé à ChatGPT d’où vient la course à pied, et surtout comment on est passé d’athlètes grecs qui couraient à moitié nus à Eliud Kipchoge en full stuff Alphafly. Voici ce qu’on a appris :

L’histoire de la course à pied remonte à l’Antiquité. Dans la Grèce antique, les courses faisaient partie intégrante des Jeux Olympiques, avec des épreuves comme le stadion (environ 192 mètres) ou le dolichos (de 7 à 24 stades). Mais avec le temps, la course de fond disparaît du paysage sportif, laissant place à d’autres disciplines plus institutionnalisées. Il faut attendre le XIXe siècle pour voir renaître les premières compétitions modernes, notamment avec l’organisation du premier marathon officiel lors des Jeux Olympiques d’Athènes en 1896, inspiré de la légende du messager grec Philippidès.

Une pratique longtemps réservée à une élite

Jusqu’au milieu du XXe siècle, la course à pied reste un sport confidentiel, réservé aux athlètes de haut niveau et aux militaires. Il n’existe quasiment aucun cadre structuré pour le running populaire. Courir sans raison apparente est même mal vu : jusque dans les années 1960, il est presque inconcevable de voir quelqu’un s’entraîner dans la rue sans un but précis. En 1968, le coureur américain Bill Bowerman, futur cofondateur de Nike, contribue à changer cette perception en publiant Jogging, un livre qui encourage la pratique de la course à pied pour la santé et le bien-être. Ce concept de "jogging" commence alors à séduire un public plus large, notamment aux États-Unis.

La démocratisation progressive du running

Les années 1970 marquent un tournant : la course à pied sort du cadre purement compétitif pour devenir une activité accessible à tous. Des courses populaires comme le marathon de New York (créé en 1970) contribuent à cet essor, tout comme l’émergence de figures emblématiques du running, à l’image de Steve Prefontaine, coureur charismatique qui incarne une nouvelle génération de sportifs. Dans les années 80-90, les équipementiers comme Nike, Adidas et Asics investissent massivement dans le marché du running, développant des chaussures plus performantes et communiquant sur les bienfaits de la course. Mais c’est surtout dans les années 2000 que le running devient véritablement un phénomène de société. La multiplication des événements, l’essor des technologies de suivi (montres GPS, applications comme Nike+ puis Strava) et la vague du bien-être contribuent à l’explosion du nombre de pratiquants.

Ce qui était autrefois une activité d’initiés, presque marginale, est devenu en quelques décennies le sport universel par excellence. Une évolution qui pose la question de son avenir : cette montée en puissance du running est-elle viable, ou s’agit-il simplement d’une bulle prête à éclater ?

Un phénomène qui explose

Il suffit d’ouvrir Instagram ou de prendre un café en terrasse pour s’en rendre compte : tout le monde court. Les marathons sont complets des mois à l’avance, Strava est devenu un réseau social à part entière, et même les marques de fashion s’y mettent (Zara, on vous voit). Plus qu’un simple sport, le running est devenu un véritable phénomène culturel qui dépasse largement le cadre des performances chronométrées.

Des chiffres qui parlent

Le running, c’est le sport le plus pratiqué au monde aujourd’hui. Et ça se voit dans les chiffres : les grands marathons comme Paris, Berlin ou New York n’ont jamais été aussi populaires. En 2024, le marathon de Paris a battu son record d’inscriptions et s’est retrouvé sold-out en un temps record. Le niveau grimpe aussi : il n’a jamais été aussi difficile d’accrocher un dossard sur les Majors tant la densité est folle. En clair, il y a plus de monde, et tout le monde court plus vite.

De la cendrée de chez vous aux podiums de la fashion week

Mais là où ça devient vraiment intéressant, c’est quand on voit que le running s’invite partout, même là où on ne l’attendait pas. Aux Fashion Weeks, les mannequins défilent en Hoka, Salomon ou Nike Zoom. Des marques comme Satisfy, Soar, District Vision ou Hylo Athletics mélangent performance et esthétique, avec des vêtements ultra-techniques qui ne dénoteraient pas dans un look streetwear. Si tu n’as pas ta paire de Hoka Bondi 9, ta Coros au poignet, ton cuissard On et ta paire d’Oakley en 2025, tu es le dernier des ringards, mon ami !

Les collabs explosent aussi : les équipementiers s’associent avec des designers ou des maisons, et il n’est plus rare de voir des runners porter des tenues qui ressemblent plus à du high fashion qu’à du textile purement sportif. On notera par exemple la collab entre Salomon et Maison Margiela. En gros, la frontière entre performance et lifestyle est de plus en plus floue, et c’est exactement ce qui rend le running aussi hype aujourd’hui.

Le running, nouvelle culture ?

Autre phénomène : la montée des communautés de runners qui s’organisent comme des cercles. Eight Lines, Barbès Runner, Maison Mère, Mental Athletics, etc. Des crews de running voient le jour un peu partout, et on assiste à une fusion entre la course, la musique et l’art. Certains runs sont organisés comme des soirées branchées, avec DJs, expos et collab exclusives. D’autres mixent des concepts totalement différents, comme par exemple le Running Flan Club, dont la description du compte Instagram parle d’elle-même : “Easy Jog, Dégustation de Flan”. Si on demandait à nos vieux coachs si, il y a 30 ans, ils auraient pu ne serait-ce qu’imaginer des centaines de personnes se réunir par amour de la course à pied et du flan, la réponse serait sans doute non.

2025 : "BASKET POUR LA COURSE DE FOND" de la marque Zara.

Et c’est ça que l’on trouve absolument génial aujourd’hui, en 2025 : tout le monde peut trouver une manière, une raison de courir. Alors certes, certains cercles de coureurs ne se côtoieront sûrement jamais, on ne verra peut-être jamais un Jakob Ingebrigtsen au Running Flan Club, mais ils auront au moins quelque chose en commun : courir.

Bref, aujourd’hui, le running, c’est bien plus que courir. C’est un statement, un mode de vie, une culture, des gens. La question, c’est jusqu’où ça va aller et si cette explosion est là pour durer.

TIME 2024 : Les meilleures inventions de 2024. Dans cette édition de 2024, la marque On apparait même sur la couverture du magazine : "Les chaussures de running nouvelle génération de la marque On".

Pourquoi ?
Pourquoi maintenant ?

On l’a vu, le running explose. Mais pourquoi ? Pourquoi ce sport, qui pendant des décennies était perçu comme une activité solitaire et presque ingrate, est aujourd’hui le statement idéal du mode de vie actif ? Pourquoi ce sport, vieux comme le monde, décolle-t-il seulement maintenant ?

Si on gratte un peu, on peut trouver plein d’explications : l’essor du bien-être, la volonté de se dépasser, l’effet des nouvelles technologies… Mais tout ça, c’est de la surface. Si on va au fond des choses, le running cartonne aujourd’hui parce qu’il est devenu un puissant outil de reconnaissance sociale.

Trois facteurs qui ont tout changé

Le boom du running ne sort pas de nulle part. Selon les experts d'On Your Marks, il est le résultat de trois tendances majeures qui se sont croisées au bon moment :

  1. L’omniprésence des réseaux sociaux

    Avant, courir était un acte invisible. Tu faisais ton footing dans ton coin, sans que personne ne le sache. Aujourd’hui, chaque run est une histoire à raconter, une perf à montrer. Que ce soit via Strava, une story Instagram… courir, c’est devenu un moyen d’exister numériquement. Et dans un monde où tout se partage, ce qui n’est pas visible n’existe pas.

  2. Le Covid : le point de bascule

    Quand tout s’est arrêté en 2020, la course à pied est devenue l’un des seuls exutoires possibles. Elle était accessible, légale (ou presque) et permettait de structurer ses journées. Sauf que courir seul ne suffisait pas : il fallait aussi montrer qu’on courait. C’est là que les réseaux ont joué leur rôle de catalyseur. Petit à petit, le running est sorti de son image de sport ringard pour devenir un symbole de résilience et de discipline, mais aussi de bien-être.

  3. Un sport simple, mais ultra valorisant

    Ce qui fait la force du running, c’est qu’il est immédiatement accessible, mais potentiellement infini. Pas besoin d’un abonnement en salle, d’un équipement coûteux ou de 10 potes disponibles comme pour faire un five : tu mets tes baskets et tu cours. Mais là où ça devient intéressant, c’est que c’est aussi un sport où la progression est ultra visible. On court un 5 km, puis un 10 km, puis un semi… Et à chaque étape, on peut partager sa progression et recevoir des félicitations. Et quand on voit que l’on progresse dans quelque chose, on a envie de recommencer.

La reconnaissance sociale

Et c’est là que tout s’emballe. Une fois que la course est entrée dans ce cycle de valorisation sociale, le phénomène s’auto-alimente :

  1. Des influenceurs (parfois des athlètes de cœur, parfois des novices complets) ont commencé à en parler et surtout à MONTRER leur pratique → Ça a attiré du monde, qui a commencé à courir.

  2. Des gens "lambda" (sans aucun sens péjoratif) se sont mis à partager leurs runs → Ça a inspiré d’autres personnes à faire pareil. D’autant plus que c’est une pratique “positive”, saine et bonne pour le bien-être physique, donc aucune raison de ne pas s’y mettre.

  3. Plus de gens ont couru, donc c’est devenu un standard socialement accepté → Aujourd’hui, tout le monde connaît quelqu’un qui prépare un marathon. On a tous un collègue qui se vante fièrement à la machine à café (Damn… ces collègues, c’est nous en fait).

En gros, plus il y a de monde qui court, plus il est socialement valorisant de courir. Et plus c’est valorisant, plus ça attire du monde. C’est exactement ce qui s’est passé avec le fitness et le crossfit avant, et ce qui pourrait arriver avec l’Hyrox demain. Tout le monde s’y est mis, puis du jour au lendemain, plus rien. Et si en plus ta paire de Clifton ou de Cloudmonster est hyper stylée, ça renforce encore plus le truc.

Courir pour être validé

Tout ça nous ramène à un point central : on court rarement juste pour soi. Que ce soit à travers un chrono, un record, une nouvelle paire de chaussures ou un crew stylé, le running est devenu un moyen d’affirmer son identité. Aujourd’hui, courir, ce n’est pas juste mettre un pied devant l’autre. C’est dire quelque chose sur soi.

Bien sûr, lorsque l’on demande aux gens pourquoi ils courent, certains vont parler de bien-être, de santé physique, de progression, de dépassement de soi, etc., qui sont de très nobles raisons de commencer une activité. Mais en creusant un peu, on retombe rapidement sur une volonté de reconnaissance sociale, d’appartenance à un groupe.

Et c’est ça qui explique (selon nous) pourquoi la course à pied est devenue si massive : elle permet à chacun, à son niveau, de trouver un moyen d’être reconnu. Et attention, il n’y a aucun jugement de valeur sur cette finalité, au contraire. C’est normal de vouloir obtenir de la reconnaissance par d’autres êtres humains, car après tout, d’une certaine manière, on existe grâce à et à travers les autres !

Oceane Andréa : Influenceuse extrêmement populaire a fait du running un de ses sujets phares.

SportMarketing.fr : Photo d'une compétition d'Hyrox, discipline mélangeant le cross fit et la course à pied.

Une hype ? Oui. Mais pas que.

Si on se projette dans 10 ou 20 ans, où en sera le running ? Est-ce qu’on verra encore plus de coureurs ? Encore plus de nouvelles marques ? Encore plus de marathons sold-out en quelques heures ? Ou est-ce qu’au contraire, la bulle aura éclaté et le phénomène sera retombé comme un soufflé trop cuit ?

Spoiler : On n’en sait que dalle.

Impossible de prévoir exactement l’avenir du running. Mais ce qu’on peut faire, c’est analyser ce qu’on observe aujourd’hui, voir ce que l’histoire nous apprend sur les grandes tendances sportives et sociétales, et aussi se fier à notre intuition. Soyons clairs : le running est une mode. Il suit exactement les mêmes schémas que toutes les tendances qui ont explosé avant lui. Un groupe pionnier s’approprie une pratique, puis elle devient mainstream, puis elle est adoptée en masse par la société, puis… elle redescend quand une autre tendance prend le relais.

Regardez le fitness. Dans les années 80-90, c’était l’aérobic et les salles de muscu. Puis dans les années 2000, la folie Zumba et Pilates. Puis dans les années 2010, le CrossFit et le functional training ont tout raflé. Aujourd’hui, Hyrox commence à exploser et pourrait bien être le prochain phénomène de masse.

Le running ne fait pas exception. Est-il aujourd’hui déjà à son pic de popularité ? Certains le pensent, mais on n’en sait rien. Ce que l’on sait, c’est que si le running “grand public” est bel et bien une hype, alors viendra forcément un moment où la courbe ralentira. Parce qu’à un moment, une partie des runners d’aujourd’hui en aura marre de courir. Parce qu’ils auront trouvé un autre sport plus excitant, plus inédit, plus valorisant. Parce que l’amplification des réseaux cessera dès que l’effet nouveauté se sera estompé.

Est-ce qu’on va continuer à voir autant de nouveaux runners débarquer dans 5 ou 10 ans ? Probablement pas.
Est-ce que le running va disparaître pour autant ? Pour nous, absolument pas.

Elijah Orr : Comment le running a changé ma vie (245k vue sur Youtube)

Une flamme qui ne s’éteint pas

C’est là qu’il faut bien faire la distinction entre une hype et une tendance de fond. Oui, la "mode" du running va forcément ralentir (et encore, on n’en sait rien !). Mais il y a une différence fondamentale entre le running et d’autres sports plus ponctuelsCourir, ce n’est pas juste une activité, c’est une expérience sensorielle et physique unique. Ceux qui auront goûté au plaisir de la course, à l’ivresse de la progression, à la sensation d’être seul avec soi-même sur la route ou les sentiers, ne décrocheront pas totalement.

Regardez autour de vous :

  • On connaît tous des footballeurs qui, un jour, arrêtent le foot.

  • Des nageurs qui ne remettent plus jamais un pied dans une piscine.

  • Des judokas qui rangent leur kimono et ne reviennent jamais sur le tatami.

Mais des runners qui arrêtent définitivement ? Beaucoup plus rare. Parce que la course, c’est un sport qui s’adapte à ta vie. Tu peux courir fort, lentement, longtemps, peu importe. Même après une pause, tu peux toujours y revenir, quand tu veux.

C’est pour ça que chez On Your Marks, on ne croit pas à un effondrement total du running. On est convaincus que ceux qui courent aujourd’hui, même si la hype retombe, auront allumé une flamme qui brûlera toujours quelque part en eux.

Moins de nouveaux coureurs à l’avenir ? Peut-être.
Une génération de coureurs ? On l’espère.

Alors oui, on peut imaginer qu’il y aura moins de nouveaux runners dans 10 ans. Mais est-ce que le running va disparaître ? Certainement pas. Peut-être qu’il évoluera, qu’il se diversifiera, qu’il s’entremêlera encore plus avec d’autres disciplines. Mais une chose est sûre : tant qu’il y aura des humains, il y aura des gens pour courir.

PS : Si ça se trouve, on se plante complètement. On est passionnés de running et on adore discuter avec des gens qui se posent ce genre de questions. Si vous avez une vision différente de la nôtre, on serait curieux de la connaître !